Chansons pour Anne-Marie
(extrait)
Ces chansons ont été composées en décembre 1949
pour Anne-Marie Sartin
Bordeaux, décembre 1949
Je ne connais pas l'histoire
Que je veux me raconter
Pour que la nuit soit moins noire
Et ne cherche à m'emporter
L'éclaire, la foudre, l'oracle,
C'est un grand bon Dieu tout nu
Qui s'ennuyait d'être sage
Dans son paradis perdu.
D'une tache d'encre noire
J'ai fait trois beaux papillons :
Ils s'envolent sans y croire
Et nous nous émerveillons !
Oh ! la belle feuille morte
Qui fait craquer sous mes pas
Le souvenir qui m'emporte
Vers ce qui n'existe pas !
Le monde que j'improvise
sera toujours le plus beau :
L'oiseau que le chasseur vise
A la forme d'un jet d'eau.
L'ange qui passe et repasse,
La nuit, dans les corridors,
Voudrait bien être à ma place :
Quand il veille, moi je dors.
Je lis mon abécédaire
Sans savoir ce que je lis.
Ah ! que ne sais-je me taire
Pour savoir ce que je dis !...
Madame l'Arithmétique
N'a pas assez de mes doigts
Pour compter (c'est fantastique !)
Les larmes que je lui dois.
Quand le bon Dieu fit le monde,
Il le voulut irréel
Et mit dans sa barbe blonde
Moins de terre que de ciel.
En chantant cette romance,
J'ai retrouvé cette voix
Que l'écho de mon enfance
Multiplie au fond des bois.
Pour pouvoir vivre sur Terre,
L'ange qui veille sur moi
Porte un manteau de mystère
Plus beau que celui d'un roi.